Jean-Jacques Kupiec, Et si le vivant était anarchique ?, Grande Conférence des Archives H. Poincaré

Le cycle des Grandes Conférences des Archives Henri Poincaré est conçu comme un espace de rencontre entre chercheurs et grand public. Il couvre de nombreux champs disciplinaires : philosophie, épistémologie, éthique, histoire des sciences et des techniques, histoire des institutions, sociologie des sciences et des organisations, etc. Jean-Jacques Kupiec (Systems Biology Group Lab / Biologie des Systèmes, l’Université La Sapienza, Rome) « Et si le vivant était anarchique ? » 18 novembre 2020 Résumé Le déterminisme a toujours dominé en biologie. Avec la génétique et la biologie moléculaire, le vivant a été conçu comme la réalisation d’un ordre codé dans le génome, toute l’activité cellulaire étant supposée dirigée par le programme génétique. Cette vision doit être remise en cause. D’une part, la génétique oscille depuis ses origines entre une version forte (un gène détermine un caractère d’un être vivant) et une version faible, de nos jours appelée « épigénétique » (le déterminisme du gène est tempéré par d’autres facteurs dont l’environnement). Les biologistes sont pris entre ces deux versions de la génétique, dont la coexistence a pour effet de la transformer en une idéologie infaillible. D’autre part, on a trouvé du désordre partout où l’ordre (le programme) était censé régner dans le vivant, y compris dans le fonctionnement des gènes. Il est temps d’accepter la part anarchique du vivant, c’est-à-dire la variation aléatoire qui en est la propriété première et d’en tirer les conséquences. Il n’existe aucun ordre biologique intrinsèque qui déterminerait la vie. Les êtres vivants ne sont pas des sociétés centralisées de cellules obéissant aux ordres du génome ou de l’environnement, mais des communautés de cellules anarchistes actrices de leur destin, grâce au hasard qu’elles utilisent à leur profit.
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