LA CLEF DE VOÛTE. Blotti aux pieds des derniers contreforts du Limousin, le village fortifié de Collonges-la-Rouge est un véritable joyau de la Corrèze. Le grès rouge des pierres utilisées dans l’édification des bâtiments, signe d’identité de la commune, contraste avec le vert de la campagne alentour et illumine les façades des belles demeures aristocratiques qui s’y trouvent. Ce rouge insolite et flamboyant doit sa couleur au grès gorgé d’oxyde de fer, fruit de millions d’années de dégradation du Massif central que l’érosion a lentement déposé dans le bassin de Brive.
Ce fleuron du patrimoine corrézien voit le jour au VIIIe siècle, quand les moines de l’abbaye de Charroux, en Poitou, fondent un prieuré sur les terres de Collonges. Ancienne étape des pèlerins vers Saint Jacques de Compostelle, c’est à son rattachement à la vicomté de Turenne que Collonges-la-Rouge doit la richesse de son architecture. Indépendants de la Couronne de France, les Collongeois bénéficient de précieux privilèges accordés dès le XIe siècle : exemptions fiscales, libertés, franchises, privilèges, immunités, et droit d’exercer la justice. C’est grâce à cela que de nombreuses familles de Collonges ont pu s’enrichir et se construire de magnifiques castels et manoirs.
La rue principale du bourg ou rue de la Barrière, aligne les maisons nobles du XVIe siècle. Parmi elles, se trouve la Maison de la Sirène au colombage en encorbellement et à la toiture en lauzes de grès rouge. Ce type de toiture primitive qu’on trouve dans l’ensemble du village, église comprise, exige de très solides charpentes de châtaignier. Sur sa porte à accolade, on voit à droite la sculpture d’une sirène qui tient un miroir d’une main et de l’autre un peigne, et à gauche probablement celle d’un homme à longue chevelure chevauchant un dauphin.
La rue Noire, au jolie pavement, distribue les maisons en retrait les unes des autres pour faciliter la défense de la ville. Dans cette rue se trouve la maison du célèbre comédien Maurice Biraud, qui fit beaucoup pour la notoriété de Collonges. Situé rue de la Garde, le castel de Vassinhac, daté de 1583, a été construit par les Vassinhac, jadis la plus puissante famille de Collonges. Ornée de deux tours hexagonales et d’une tourelle en poivrière, la porte d’entrée est à accolades et à gorge gothique et croisillon Tudor. Cet édifice avait à la fois une fonction défensive et une vocation résidentielle.
Au centre de la ville, l’église Saint-Pierre et son clocher roman, daté de 1100, s’élance fièrement aux cotés du clocher carré et de la tour du guetteur. De style limousin et bâties sur la croisée du transept, les voûtes de la nef ont été reconstruites au XVe siècle. Le système défensif de l’église a été renforcé au XVIe siècle, où le grand donjon carré fut pourvu d’une salle de défense communiquant avec un chemin de ronde. Collonges traverse les guerres de religion de manière plutôt pacifique, puisque les deux nefs de l’église sont utilisées en alternance pour le culte catholique et le service protestant... cas unique selon les historiens.
Le tympan à l’architecture raffinée, construit en 1130-1140, représente l’Ascension du Christ au registre supérieur, tandis que la Vierge, humble et priante, entourée des onze apôtres, occupe le registre inférieur. Œuvre admirable d’artistes limousins réalisant la synthèse entre les écoles des pays de Toulouse et d’Auvergne, il est en pierre calcaire de Nazareth, proche de Turenne : un véritable ivoire dans un cadre de rubis.
Tout à côté ce trouve la chapelle des Pénitents. Datant du début du XVe siècle, elle abrita à partir de 1665 une confrérie (les Pénitents noirs) qui avait notamment pour œuvre charitable d’enterrer les morts bénévolement. Bordant la place de l’église se trouve la halle aux grains et aux vins (XVIe siècle). Elle est pavée de grès rouge et de calcaire, et possède une imposante charpente couverte d’ardoises. Elle abrite le four banal, toujours utilisé à l’occasion du traditionnel marché d’antan.
Proche de la Porte plate, ancienne porte fortifiée de la ville, se trouve la maison de la Ramade de Friac avec ses deux tours de guet remarquables. Construite à la fin du XVIe, elle était la propriété de la branche des Ramade (famille importante pour l’histoire de Collonges) qui possédait le château de Friac, à l’extérieur de Collonges. En face de celle-ci se trouve la maison Boutang du Peyrat à la façade incurvée et percée d’une porte surmontée de symboles probablement franc-maçonniques.
Collonges-la-Rouge, que l’on appelle aussi la cité aux vingt-cinq tours, n’a pas encore livré tous ses secrets. On raconte que certaines de ses tours ont été cachées sous le Directoire lorsqu’un impôt a été institué sur les fenêtres et les tours. Les habitants, plutôt que les détruire, ont préféré construire tout autour.
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