Satprem - Sri Aurobindo et l’Avenir de la Terre

Ce texte fut écrit pour «All India Radio» à l’occasion du centenaire de Sri Aurobindo. Il figure dans L’Agenda de Mère — 1971, tome XII, pages 331-336. Parfois, une grande Pensée errante voit les âges encore inaccomplis, saisit la Force dans sa coulée éternelle et précipite sur la terre la vision puissante qui est comme un pouvoir de rendre réel ce qu’elle voit — le monde est une vision qui devient vraie, son passé et son présent ne sont pas vraiment le résultat d’une obscure poussée qui remonte du fond des temps, d’une lente accumulation de sédiments qui peu à peu nous façonnent — et nous étouffent et nous enferment — mais la puissante attraction dorée du Futur qui nous tire malgré nous, comme le Soleil tire le lotus de la boue, et nous contraint à une gloire plus grande que ni notre boue ni nos efforts ni nos triomphes du présent ne pouvaient prévoir ni créer. Sri Aurobindo est cette vision et ce pouvoir de précipiter le Futur dans le présent. Un instant, il a vu, et ce qu’il a vu, des âges vont l’accomplir et des millions d’hommes, sans savoir, vont se mettre en quête de l’imperceptible frémissement nouveau qui a envahi l’atmosphère de la terre. Ainsi, d’âge en âge, de grands êtres viennent parmi nous ouvrir un grand pan de Vérité dans le sépulcre du passé. Et ces êtres-là, en vérité, sont les grands destructeurs du passé, ils viennent avec l’épée de la Connaissance et brisent en miettes nos fragiles empires. Cette année, nous allons célébrer le centenaire de Sri Aurobindo — il est à peine connu d’une poignée d’hommes, et pourtant son nom retentira encore quand nos grands hommes d’aujourd’hui ou d’hier seront ensevelis sous leurs propres décombres. Son œuvre est discutée des philosophes, louée par des poètes, on parle de sa vision sociologique, de son yoga — mais Sri Aurobindo est une ACTION vivante, une Parole qui se réalise, et nous pouvons chaque jour, sous les mille circonstances qui semblent déchirer la terre et renverser ses structures, voir le premier reflux de la Force qu’il a mise en branle. Au début de ce siècle, quand l’Inde se battait encore contre la domination britannique, Sri Aurobindo s’écriait: «Ce n’est pas seulement une révolte contre l’empire britannique qui est nécessaire, mais une révolte contre la Nature universelle tout entière!» Car le problème est fondamental. Il ne s’agit pas d’apporter une philosophie nouvelle au monde ni de nouvelles idées ni des illuminations soi-disant. Il ne s’agit pas de rendre la Prison plus habitable ni de doter l’homme de pouvoirs toujours plus fantastiques — armé de ses microscopes et télescopes, le gnome humain reste gnome, douloureux et impuissant; nous envoyons des fusées sur la lune, mais nous ne connaissons pas notre propre cœur. Il s’agit, dit Sri Aurobindo, de «créer une nouvelle nature physique qui sera l’habitation d’un être supramental au sein d’une nouvelle évolution.» Car, en vérité, dit-il, «l’imperfection de l’homme n’est pas le dernier mot de la Nature, mais sa perfection non plus n’est pas le dernier pic de l’Esprit.» Par-delà l’homme mental que nous sommes, s’ouvre la possibilité d’un autre être qui prendra la tête de l’évolution, comme un jour l’homme a pris la tête de l’évolution parmi les singes. «Si l’animal, dit Sri Aurobindo, est un laboratoire vivant au sein duquel la Nature a, dit-on, façonné l’homme, l’homme lui-même est peut-être bien aussi un laboratoire vivant et pensant au sein duquel, et avec la coopération consciente duquel, la Nature façonnera le surhomme, le dieu.» Et Sri Aurobindo vient nous dire comment faire cet autre être, cet être supramental — et non seulement nous le dire, mais le faire, ouvrir le chemin de l’avenir, précipiter sur la terre le rythme de l’évolution, la vibration nouvelle qui remplacera la vibration mentale, comme une pensée, un jour, est venue troubler la lente routine des bêtes, et nous donnera le pouvoir de briser les murs de notre prison humaine. #sriaurobindo #satprem #nouvelleterre
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