Format court : Les livres de Monsieur Maulin - Léon Frapié le Charles Dickens de Ménilmuche
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Il y a les écrivains qui écrivent pour les enfants et ceux qui écrivent sur les enfants. Léon Frapié appartient à la seconde catégorie, lui qui a leur consacré une œuvre aujourd’hui largement oubliée. On le compare parfois à Charles Dickens, il s’inscrit clairement dans la lignée de Zola : en 1904, il écrit un roman réaliste et touchant qui lui vaudra gloire et reconnaissance, deuxième prix Goncourt de l’histoire : La maternelle.
Le roman raconte l’histoire de Rose, une orpheline de 23 ans, pauvre mais lettrée, qui face à l’urgence de trouver du travail, accepte un poste de femme de service dans une école maternelle de la rue des Plâtriers, à Paris, dans le quartier populaire de Ménilmontant. Le soir, pour échapper à sa solitude et à son déclassement, elle consigne dans ses carnets tout ce qu’elle voit et c’est par ses yeux que l’on pénètre dans la réalité sociale d’une école de 200 élèves répartis dans trois classes, et plus généralement d’un quartier pauvre de Paris vers 1900.
La littérature se penche rarement sur les petits enfants et la première réussite du livre réside dans la minutieuse observation de ces comportements qui obéissent à des règles mystérieuses et oubliées des adultes. Certaines descriptions de ces « brimborions » sont touchantes, particulièrement celles des disgraciés à la lourde hérédité, et on ne peut qu’être ému par la condition lamentable de la plupart de ces bambins qui ne connaissent ni la joie, ni le confort ni parfois même l’amour parental.
On l’a dit, le roman est d’une veine réaliste, voire « naturaliste », avec la hantise de la dégénérescence propre à ce courant esthétique qui parfois, force parfois un peu le trait. Plus encore que l’aspect littéraire, c’est donc le caractère documentaire du roman qui fascine. Frapié était lui-même marié à une institutrice et connaissait son sujet. Cette époque pas si lointaine paraît aujourd’hui à des années-lumières de la nôtre. On y distingue encore au faciès un petit Parisien d’un Auvergnat ou d’un Normand, les enfants de trois ans jouent dans la rue sans surveillance et ceux qui déjeunent à la cantine apportent dans leur panier un litron de vin !
Mais Frapié, qui cultive des opinions libertaires, profite de son roman pour régler des comptes avec la pédagogie en vigueur, lui reprochant de ne pas adapter son discours à la singularité de chaque élève et de proposer une « morale universelle » en dépit des cas particuliers. Doit-on systématiquement prôner l’obéissance aux parents, même quand ces derniers sont indignes ? Ne risque-t-on pas de « rendre la génération qui vient d’éclore pareille a sa devancière » ? Si les questions que posent Frapié sont légitimes, comme l’est sa volonté de faire échapper aux enfants une reproduction sociale délétère, il nous semble qu’il commet cette erreur, hélas assez courante à gauche, qui est d’accorder trop d’importance à l’école et de lui assigner des objectifs qui ne sont pas les siens.
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