L’épopée du lait, de la préhistoire à nos jours

Les archéologues et archéozoologues ont longtemps pensé que le lait était une production secondaire, plus tardive que la consommation de viande des premiers animaux domestiqués. Aujourd’hui, il n’en est rien, puisque le lait pourrait être une des raisons premières de cette domestication. Archéologie d’une enzyme : la lactase Ce sujet tourne bien entendu autour de la possibilité pour les populations adultes d’assimiler ou non des produits laitiers au travers de la persistance d’une enzyme « la lactase », qui libère alors du glucose et du galactose. Cette propriété que possèdent naturellement les enfants diminue après le sevrage et nombre d’adultes ne peuvent aujourd’hui consommer ce produit. A l’échelle mondiale seuls 35% des adultes continuent de produire cette lactase et peuvent, ainsi, boire du lait. Si les communautés scandinaves en produisent majoritairement, il n’en est pas de même en France, avec 50 % de la population seulement qui en produit, 20% en Italie. En Europe, cette persistance de la lactase chez l’adulte est liée à un seul allèle, inscrit dans le code génétique des populations. Mélanie Roffet-Salque “Je travaille avec une méthode qui est complémentaire, c’est-à-dire que j’utilise les poteries qui sont découvertes par centaines, par milliers, sur les sites archéologiques qui sont, en fait, les casseroles du passé utilisées pour cuire des aliments et potentiellement donc du lait. Et en étudiant ces poteries, on arrive à voir si éventuellement du lait a été cuit, et l’on a réussi à détecter du lait pratiquement dès le début de la domestication, donc il y a environ 9 000 ans au Proche-Orient, ce sont les plus anciens résidus laitiers découverts dans des poteries archéologiques.“ Traquer le lait dans les poteries préhistoriques Une telle recherche nécessite tout à la fois, de croiser nombre de disciplines : l’archéologie, l’anthropologie et la biologie, dont la génétique évolutive. Le cœur de métier de Mélanie Roffet-Salque est la chimie analytique, à partir de résidus contenus dans des poteries archéologiques. Les résultats sont alors croisés avec ceux de la génétique. Mélanie Roffet-Salque “Même en faisant ce métier, je suis toujours étonnée de voir que l’on arrive à conserver du lait pendant 9 000 ans dans une poterie alors qu’un litre de lait au réfrigérateur ne se conserve que quelques jours !“ Il était capital de découvrir à quel moment s’opère, chez l’adulte, cette tolérance au lait : en Europe, les populations auraient acquis cet allèle au cours du Ier millénaire avant notre ère. Les populations antérieures et notamment néolithiques, non adaptées à la consommation du lait, en auraient assurément bu durant des périodes de crise ou de famine. La sélection du variant génétique ne serait pas directement liée à la quantité de lait consommé dans le passé, mais aux changements de densité de populations, comme aux facteurs environnementaux. (Emission France Culture)
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