Commentaire par Peter Oborne:
Un nouveau documentaire révèle la manière dont des allégations fausses et incendiaires concernant l’attaque menée par le Hamas en Israël se sont imposées dans la presse
Al Jazeera propose une analyse minutieuse de la manière dont ces récits ont été diffusés auprès du public. Cela implique un examen approfondi de Zaka, l’unité israélienne d’intervention d’urgence composée d’auxiliaires médicaux qualifiés.
Un membre de Zaka, Yossi Landau, a déclaré aux journalistes que le Hamas avait brûlé vif « deux piles de dix enfants chacune » dans une maison du kibboutz de Be’eri.
Les médias se sont emparés de ce récit, dont une version a été reprise par le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou lors d’un entretien avec le président américain Joe Biden : « Ils ont enlevé des dizaines d’enfants, les ont ligotés, les ont brûlés et les ont exécutés. »
Pourtant, comme le démontre Al Jazeera, ces récits étaient faux.
Al Jazeera établit également qu’il n’existe aucune preuve sérieuse pour étayer les allégations de viols généralisés et systématiques.
Les allégations d’abus sexuels au kibboutz Be’eri le 7 octobre sont « fausses », déclare un porte-parole
Pourquoi a-t-il fallu attendre qu’Al Jazeera se charge de ce travail ?
Pourquoi la BBC ne l’a-t-elle pas fait ? Qu’en est-il d’un autre média britannique, l’Independent Television News (ITN) ? Sky News ? La célèbre unité d’investigation du Sunday Times ? Les journaux tabloïds comme le Daily Mail ou le Daily Express ? Ou encore de quotidiens sérieux comme le Times de Londres ?
Les grands médias britanniques ont eux-mêmes joué un rôle important dans la promotion et la diffusion des récits israéliens fabriqués sur la journée du 7 octobre. Le Daily Express, le Daily Mail, le Times, l’Independent et Metro ont tous publié en première page des articles amplifiant les affirmations israéliennes sur les 40 bébés morts. La première page du Daily Mail titrait : « C’était un holocauste pur et simple ».
Le simple fait de remettre en question ces récits terrifiants a suscité des accusations de mauvaise foi. Le quotidien britannique The Daily Telegraph a titré : « Israël n’aurait pas dû avoir à prouver que le Hamas a massacré des bébés ».
Les premières informations faisant état de bébés brûlés et décapités présentaient le Hamas comme des barbares sous-humains, comparables à l’État islamique.
Ces fausses informations ont permis de justifier la sauvagerie d’Israël à l’égard de la population palestinienne de Gaza. « J’entends les appels au cessez-le-feu », a déclaré le ministre israélien des Affaires étrangères de l’époque, Eli Cohen, aux Nations unies. « Dites-moi, quelle est la réponse proportionnelle au meurtre de bébés ? Au viol de femmes et à leur immolation ? À la décapitation d’un enfant ? La réponse proportionnelle au massacre du 7 octobre est la destruction totale, la destruction totale, jusqu’au dernier des membres du Hamas. »
C’est entièrement aux médias non conventionnels qu’a incombé la tâche de faire preuve d’examen et de scepticisme, et de se comporter comme des journalistes professionnels
Pour le chercheur Marc Owen Jones, cité dans le documentaire d’Al Jazeera, « la violence sexuelle et d’autres formes de violence sont instrumentalisées pour déshumaniser l’ennemi, et la déshumanisation est [un enjeu] important dans les conflits. Pourquoi ? Parce que la déshumanisation abaisse le seuil à partir duquel on accepte délibérément d’attaquer ou de blesser un autre groupe de personnes. Et comment y parvenir ? En les considérant comme des sous-hommes ».
Ce documentaire d’Al Jazeera ne se contente pas de rectifier les faits concernant les événements du 7 octobre. Il suscite également de sérieuses inquiétudes quant à l’incapacité des médias britanniques à remettre en question le narratif israélien.
C’est entièrement aux médias non conventionnels qu’a incombé la tâche de faire preuve d’examen et de scepticisme, et de se comporter comme des journalistes professionnels. Nommons-les : un excellent travail a été réalisé par The Grayzone, The Intercept, Electronic Intifada, Yes! Magazine, Mondoweiss et, dans une certaine mesure, le journal israélien Haaretz.
Pour leur part, les grands médias britanniques se sont rendus coupables de complicité dans la déshumanisation des Palestiniens, ce qui a ouvert la voie à ce qui ressemble de plus en plus au fil des jours à un génocide à Gaza.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur.
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