Le regard, Maclou de La Haye

Le regard, Maclou de La Haye dit par Gérard Philipe LE REGARD Regard ardant, cruel meurtrier de l’ame, Et qui le corps retire de la lame, Portant l’enfer en son superbe trait, Et paradis en son plus doux attrait. Regard posé d’un oeil demy ouvert, Orné d’esmail, d’esmail noir, blanc et verd, Dessous le sein d’une voille argentée, Rasserenant l’oeillade redoutée. Regard aygu à la force asseurée Contre les rais de la torche etherée, Et qui descend par sa vivacité Au fond plus creux du val précipité Regard en qui tant de vertu s’assemble Que son moins vainc l’Aigle et le Lynce ensemble. Regard pudique irrité quelquefoys Du vil accent de la lubrique voix, Qui fait rougir la blancheur lilialle Sous un ciel paint de honte virginalle, Et, relevant ses rais en la pensée, Monstre combien son ame est offensée. Regard qui peult seullement par un clin Du corps mourant retarder le declin, Et ramener mainte ame vagabonde Dedans son corps de long temps mort au monde. Regard luisant, la transparante porte Du cueur caché, où amour se transporte : Regarde moy, seiche mes tristes larmes, contre le mal foibles et vaines armes, Oste l’ardeur qui m’esblouit, à fin Que de mon deuil je puisse voir la fin. ( in Cinq blasons des cinq contentemens en amour, Paris 1553 )
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